Fès est une ville où s'est faite et défaite l'histoire du pays. Ce fut d'abord la création de la ville par ldriss ler, également fondateur du Maroc en tant que royaume unique et indépendant. Ensuite vint le protectorat français de 1912, consécutif à l'insurrection de Fès. L'université Qaraouiyne, dont la création remonte au IX siècle, a atteint un rayonnement tel qu'on a pu surnommer Fès l'Athènes de l'Afrique. Quand s'installèrent des familles de commerçants et de juifs, elle devint rapidement la ville la plus riche du pays, et un carrefour commercial incontournable. Nul ne peut comprendre Fès, s'il n'a conscience de son passé.
Fès est l'une des quatre villes impériales, avec Rabat, Meknès et Marrakech. Elle est certainement la plus prestigieuse, possédant la plus vaste et la plus impressionnante médina du pays, environ 300 ha pour une population de plus de 350 000 habitants. En visitant Fèsel-Bali, Fès l'ancienne à l'origine médiévale (par opposition à Fès-el-Jedid, la nouvelle, datant des Mérinides), on trouvera la trace des plus grandes dynasties, des murailles almohades aux medersas mérinides, joyaux artistiques du pays, que l'on découvre au hasard de l'enchevêtrement des ruelles de la médina. De leur histoire prestigieuse, les Fassis ont gardé une tradition commerçante et artisanale ancestrale.
Une majorité d'historiens attribue en effet la création de Fès au fondateur du Maroc, Moulay Idriss ler. Ce dernier, fuyant les persécutions des Abassides de Bagdad, s'était d'abord installé à Oualili, sur le site de l'ancienne Volubilis, et avait entrepris d'y convertir les Berbères à l'islam. Mais, au moment de choisir un lieu digne de recevoir sa capitale en 789, c'est sur la rive droite de l'oued Fès qu'il s'établit, après que, selon la légende, on eut trouvé une pioche en or en creusant les fondations. Cette légende donna son nom à la ville, puisque Fès est le terme arabe pour désigner une pioche. En 809, son fils et successeur, ldriss II, entreprit de construire à son tour une véritable ville sur l'autre rive de l'oued. Avec son palais royal, sa mosquée, et ses murailles, c'est la véritable Fès qui s'éleva alors.
En 818, un millier de familles musulmanes, chassées de Cordoue, trouvèrent refuge à Fès, et s'installèrent dans ce qui prit le nom de quartier des Andalous. Peu après, trois cents familles de Kairouan en Tunisie, également en exode, furent accueillies dans Adoua el-Karaouiyne, le quartier des Qairouanais, encore en place aujourd'hui avec sa fameuse mosquée. Si l'on ajoute l'arrivée de familles juives, ces migrations furent un véritable coup de pouce du destin. Les nouveaux arrivants étaient le plus souvent de riches artisans et commerçants, dotés de techniques modernes, et ils recréèrent à Fès l'environnement dans lequel ils vivaient, transformant la ville en métropole commerciale incontournable.Au IXe siècle, Fès possédait déjà la mosquée des Andalous et l'université Karaouiyne, ce qui en fit également un pôle reconnu sur le plan intellectuel.
Fès devint almoravide en 1069, en cédant aux assauts du Saharien Youssef ben Tachfine. Ce dernier réunit les deux parties de la ville de chaque côté de l'oued dans une même enceinte, pour ne former qu'une seule et même cité. Mais c'est Marrakech qui fut alors désignée comme capitale du royaume. En 1154, ce fut au tour des Almohades d'investir la cité, et les murailles détruites furent reconstruites une fois assurée l'allégeance des habitants. La plupart des murailles que nous connaissons aujourd'hui à Fès datent de cette époque. Mais la ville développa surtout une influence religieuse prépondérante, grâce notamment à la mosquée Qaraouiyne et à son université, dont la renommée et le prestige dépassaient largement les limites du royaume. A Fès, on travaillait également le cuir et les métaux, et les riches marchands officiaient sur tout le pourtour méditerranéen.
Les Mérinides arrivant de l'est du Maroc en 1250, firent à nouveau de Fès une capitale. Mais surtout, ces esthètes parèrent la ville de ses plus beaux atours. C'est l'époque de la construction de Fès-el-Jedid, Fès-la-Nouvelle, s'opposant à Fès-el-Bali, l'ancienne. On y construisit une cité administrative, abritant en son enceinte le palais royal, des mosquées, et surtout les garnisons du sultan. C'est également l'époque de la construction des medersas, ces joyaux de l'art mérinide qui rivalisent de finesse, comme la medersa Bou Inania, dont le nom glorifie son fondateur, le mérinide Abou lnan Au XIV, siècle, Fès comptait 200 000 habitants dont les activités commerciales, artisanales oc religieuses, faisaient autorité dans le royaume e bien au-delà. C'est pour ainsi dire la dernière fois dans l'histoire du Maroc que le statut politique de Fès, capitale, s'accorde avec son statut d'autorité morale, religieuse et économique du pays.
Fès, enjeu de la stabilité politique La chute des Mérinides à la fin du XVe siècle marqua le début du déclin de Fès. En 1549 les Saadiens, nouveaux venus au pouvoir se fixèrent à Marrakech. Lorsque vint le tour des Alaouites, Moulay Rachid revint à Fès en 1666, mais son successeur, le célèbre Moulas Ismaïl, choisit le site de Meknès dès 1672 pour réaliser ses projets mégalomanes. Ses descendants, eux, rendront à Marrakech sa grandeur passée. Fès changea alors de statut, elle devint plutôt une capitale morale, une ville lui garda son influence religieuse en formant dans ses medersas les futurs dirigeante islamiques marocains. D'où l'enjeu principal pour les sultans successifs de s'assurer li fidélité de la ville, dont les violentes réactions étaient craintes par le pouvoir. C'est d'ailleurs à Fès qu'éclata la dernière révolte devant mettre à terre un pouvoir contesté. En 1912 la ville fut envahie par des troupes berbères e le sultan Moulay Hafid dut se résoudre à officialiser l'ingérence européenne au Maroc an demandant l'aide de la France. Il en résulta an mars 1912, la signature du traité de Fès marquant le début du protectorat français au Maroc.
La domination française changea le visage de Fès. Sans doute par crainte des réactions de la ville millénaire, mais aussi pour privilégier le ravitaillement par la mer, le général Lyautey nomma Rabat capitale du royaume.
Fès fut dotée d'une ville moderne, européenne dont la parfaite géométrie contraste avec l'enchevêtrement anarchique des rues de la médina.